mercredi 24 novembre 2010

Compte rendu de la conférence "Mobilité des villes" Biennale du Design Saint Etienne, Thème : La téléportation – 20 novembre 2010

La première partie de la conférence à été ouverte par l'intervention du maire de la ville de Saint Etienne : Maurice Vincent, accompagné de l'ancien maire de Curitiba (Brésil) : Jaime Lerner. La conférence fut (brillamment) animée par Constance Rubini.


Dans cette amphithéâtre futuriste qu'est l'auditorium de la cité du design l'ambiance est au préparatifs. Il est 13h 45, je suis un peu en avance et cela ce voit car la salle est vide d'auditeurs. Chose qui ne tarda pas à s'inverser, la conférence attira de nombreuses personnes que je devine designers ou étudiants en design à leur look soigné et leur gadgets issu d'une certaine firme à la pomme croquée. Les premiers intervenants s'installent, et je demande une feuille de papier à un jeune étudiant en Desgin originaire du Brésil. C'est à lui que je dois ce compte rendu, car c'est sur cette feuille que j'ai pu noter assidument tous les détails de ces 2 heures 30 de conférence.

La conférence commence, Constance Rubini ouvre le dialogue en posant une intrigue qui par sa formulation allait extirper tous le vocable qu'avait ces deux interlocuteurs sur la passion qu'ils avaient en commun : La passion de leur ville. Constance, leur demande alors en quoi leur cursus définissait leur approche de la ville.

Maurice Vincent emboite le pas sur sa propre approche qu'il qualifie d'économique, en évoquant le lien entre l'impact macro économique de la mondialisation dans la définition des villes modernes. Son constat était que la mondialisation allait vite, qu'elle échappait ainsi à notre contrôle et que ce système économique avait son équivalant dans la démographie des villes : Il s'agit du phénomène de « métropolisation ». L'expansion des villes non contrôlé, qui à pour principale conséquence l'étalement urbain.

Jaime Lerner intérvient alors, en évoquant sa propre expérience de gouverneur, face à ce problème majeur qui semble frapper toutes les métropoles actuelles. Il nous explique que chaque ville est unique, et a un « Design » particulier. Chaque ville procède à sa propre expansion. Cette expansion peut être schématisé avec un simple stylo dans un exemple qu'il nomme « Drawing the City » . Apparaît alors par de simples croquis, une description claire ou l'on vois dessiné différentes « structures de croissance » des villes, Curitiba dont il était responsable, et d'autre comme Rio. Le but de ces schémas simplistes étaient de nous faire comprendre que chaque ville est un cas de figure unique, et que une seule solution ne peut pas s'appliquer uniformément à toutes les villes. Ces schéma nous montrent une chose très importante, c'est que la forme de ces ville qu'il dessine doit être maitrisé. Une ville dont on ne maitrise pas la forme, est une ville dont on ne maitrise ni l'expansion, ni la circulation de sa population et c'est donc une ville sujette à son étouffement.

Quartiers défavorisés de Caracas
Jaime Lerner nous montre, par le biais d'un autre schéma représentant une torture, que lorsque cette expansion suit son cours sans contrôle elle fait place à une importante ségrégation des quartiers. La tendance actuelle des villes est à la séparation des populations en fonction de leur revenus, de leur religions ou de leur age. Chose que confirme le maire de Saint Etienne, c'est en effet un phénomène que l'on peut constater dans la plupart des grandes villes Françaises et il nous faut réapprendre à vivre ensemble. Cette croissance non maitrisée à son parfait exemple dans la ville de Caracas au Vénézuela, ville construite au pied d'un montagne qui a vu ses pentes être investies par toute une catégorie de population défavorisé. Cette expansion non prévue à laisser place à d'importants problèmes de transport et d'hygiène pour ces populations.

Face à cette croissance spontanée et non maitrisée il y a un moyen de reprendre le contrôle et de dessiner le schéma de croissance de la ville. La clé de ce contrôle est l'accès aux transports. En devançant une expansion diffuse par une expansion choisie selon des axes bien définis. Les transports jouent pour lui ce rôle fondamental tout en étant un excellent vecteur de sociabilisation.

Le maire de Saint Etienne rebondit sur ces propos pour nous faire pars des projets d'avenir concernant sa ville en matière de gestion des transports. On notera dans ses propos le projet d'ouvrir la ville sur son agglomération : Rive de gier, Terrenoir, Andresieux, Firminy grâce au tram-train. Le tram-train est un projet assez en vogue en ce moments dans beaucoup de grande villes. J'ai moi même pu voir la mise en place d'un projet similaire sur l'agglomération ouest de Lyon.

Espace Manufacture Plaine Achille - Saint Etienne
Le but du tram-train est de créer un moyen de transport « hybride » qui puisse à la fois emprunter le réseau ferroviaire SNCF et le réseaux de tramway interne aux villes. Cela permettra d'acheminer directement les habitants des agglomérations dans le centre des villes. De ce fait, en reliant les villes proches de taille plus modeste aux grande ville, on éspere, par l'utilisation de ces nouveaux moyens de transport, limiter l'étalement urbain. Le développement des moyens de transport ferroviaire est également la clé de voute du désengorgement des centre villes par les automobiles. En incitant d'avantage les gens à utiliser ces nouveaux moyens de transport on pourra ainsi libérer de l'espace en ville pour les mode de transport plus saint comme le vélo, la marche à pied ou développer d'autres lignes de tram. Les automobiles pourront quand à elle toujours être déposés dans des parking relais à l'entrée de la ville, comme on peut le voir sur Lyon avec le parking de Gorge de Loup ou de Vaise. Maurice Vincent corrobore ces propos théoriques par un projet bien concret : Le projet « Manufacture Plaine Achille », qui vise à transformer un ancien grand parking, situé en centre ville, en un parc vert et ouvert, et d'y aménager un pôle d'enseignement supérieur.

Jaime Lerner nous raconte ensuite que le salut d'une ville moderne passe en premier lieu par l'intégration de son histoire, on ne crée pas une ville nouvelle simplement en suivant les règles de l'esthétique moderne, mais en intégrant en son cœur son passé, c'est ce qui fait son identité, ses fondations et son charme. La ville moderne ne doit pas être une façade ou le reflet de la modernité aurai effacé le passé devenu obsolète de la ville. Le bonheur des citadins est dans l'identité de leur propre ville.

Maurice Vincent cite pour exemple sa ville, dont l'identité repose fortement sur son passé industriel avec notamment les mines, la sidérurgie, et les manufactures comme celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement ( ancienne manufacture d'arme ). Saint Etienne est une ville au passé d'ouvriers, c'est une ville en plein changement mais qui ne renie aucunement son histoire, car c'est son identité. Aujourd'hui comme beaucoup de ville qui ont le soucis de limiter les désastres de l'étalement urbain Saint Etienne est une ville qui voue à se densifier et à se moderniser en son sein, « reconstruire la ville sur la ville » en mêlant modernité et histoire. Le but étant aussi de préserver les espaces naturels qui entourent la ville et font de Saint Etienne une ville qui puise également son identité dans la proximité de la nature.


La place fut ensuite accordé à deux nouveaux intervenents : Laurence Madrelle et Ruedi Baur. Le sujet était ici centré sur la signalétique en ville. La ville d'Yverdon-les-bains avait lancé un appel à projet pour rehausser l'attractivité de sa ville qui souffrait de la proximité de ses grandes soeurs Lausanne et Genève.

Le challenge était ici de taille, car à priori je ne voyais pas comment la signalétique pouvait changer quelque chose à l'attractivité d'une ville. Différents projets nous sont montrés, on y vois quelques panneaux aux formes psychédéliques, ou bien de grandes lettrines disposés sur une colline manière « Hollywood ». Rien de bien transcendant jusque là. Quand vint le tour du projet gagnant.

L'intérêt de cette intervention n'était pas dans la réalisation finie du projet car celui ci n'était encore pas lancé. Mais dans la réflexion qui a mené ce projet à surpasser toutes les autres propositions. En effet, une importante phase d'étude avait été mené au préalable. Comment rendre une ville attrayante? Plutôt que de se basé sur les concepts en vogue, l'équipe s'est avant tout penché sur le contexte historique et géographique de la ville. La ville d'Yverdon est situé près l'un lac et est traversé par de nombreux canaux, surplombé par de nombreux ponts. L'idée originale de l'équipe était de faire de chaque pont un pont unique et reconnaissable parmi les autres. La manière de différencier ces ponts n'est à ce jour pas encore établie, mais on peut imaginer que la signalétique de la ville disposera d'un système d'orientation unique. « Au pont de la tête du Lion tu prend à gauche, et au pont du Y à droite » un exemple parmi tant d'autres. De nombreuses esquisses et projets pas encore adopté on été présentés. Mais l'intérêt de cette intervention n'est pas dans le concret mais bien dans l'étude préalable qui a permis à cette agence de décrocher le contrat. L'aménagement urbain est un métier ou les responsabilités son lourdes et ou le contexte de chaque ville est un élément non négligeable.

La troisième et dernière partie accueillait 3 jeunes paysagistes ainsi qu'un homme qui m'aura stupéfait par la simplicité et la vérité ses propos : Michel Corajoud. Je ne m'attarderai pas trop sur cette intervention car c'est un experience très personnelle que j'ai vécu loin de ma feuille et de mon stylo.

Les trois paysagistes nous ont présenté leur dernier projet : l'aménagement d'un jardin au dessus du périphérique parisien. Il s'agit du jardin «Serge Gainsbourg ». Tout au long de cette présentation était décrit le processus de recherche, de l'histoire du lieu, de la conception, des matériaux choisis. Cela fut très intéressant, mais ce n'est après que je reconnu un grand maitre s'exprimer.

Michel Corajoud sous son allure de vieux bonhomme, recourbé sur son siège, pris le micro pour extraire de sa bouche quelques mots simples qui à eux seuls auraient pu résumer les 15 minutes de paroles des trois autres. Je me suis rendu compte à quel point le métier de paysagiste est bien plus complexe qu'il n'y parait. Bien que je ne me destine pas à ce métier, ses propos simples et criards de vérité m'ont laissé ébahi face à son travail.

Là ou tout le monde semblait se concerter c'est que le métier de paysagiste demande maintenant une réflexion digne d'un psychologue. Avant de bâtir un espace, il faut prévoir quel utilisation en feront ses occupant. Entre autres Michel Corajoud sorti cette phrase : « Dégage, j'aménage » qui montre à quel points certains paysagistes peuvent se fourvoyer dans leur métiers. Phrase qu'il compléta par la suivante : « On tue la vie en croyant l'introduire ».

Quai de Bordeaux
L'aménagement du paysage urbain est un art qui demande une grande réflexion, car c'est dans l'organisation de cet espace que se noue le lien social. Il cite l'exemple d'un banc long de 60 mètres qu'il a créé et qui maintenant laisse place à des phases d'approche ou les gens vont avoir tendance à « glisser » les uns vers les autres le long de ce banc. Michel Corajoud explique également « sa » vision de la ville, une vision bien personnelle que ne partage pas tous les paysagiste et urbaniste mais qui ensembles structurent la vie des villes de demain. Pour lui les villes d'aujourd'hui ne sont que des monolithes rapproché les uns des autres. Des bâtiments à la géométrie parfaite, à l'aspect tranchant qui ont perdu tout l'héritage de la nature et « qui se dressent face à nous tel des guillotines ». La ville d'avenir pour lui, sera une ville « poreuse » ou il mettrai de « grands coups de marteau-piqueur dans ces amas géométriques pour que revienne s'y loger la vie » peu importe sous quelle forme. Cette phrase traduit une tendance générale dans l'urbanisme qui vise a densifier les logement tout en dégageant des espaces ou la vie pourrait réinvestir les lieux. Un peu plus tard il lance à ses anciens élève cette phrase « Je me fou des plantes » d'un air provocateur, « tout ce qui me préoccupe c'est le bonheur des gens ». Il présenta alors son travail sur l'aménagement des quai de bordeaux, qui est un travail remarquable, plein de réflexion notamment sur la question de l'ombre et de la lumière. Le soucis de l'esthétique du lieu, du bien être des futurs promeneurs était omniprésent dans sa réflexion. Seul un aspect sur des lampions fut décrié, et il dit alors « dans un aménagement il faut toujours créer quelque chose sujet aux critiques car sinon c'est l'ensemble du projet qui est critiqué ».

Sur ces belles phrases se termine la conférence si vous l'avez raté j'espère vous en avoir convenablement transmis l'essentiel, si vous regardé ce billet et que vous n'êtes pas en 2015 mais plutôt avant le 5 décembre 2010 je vous invite vivement à allez faire un tours à l'espace « La ville mobile » de la biennale du Design à Saint Etienne. Une version PDF est disponible ici.